Au début était la croissance. La croissance s’est fait verbe et elle a été scandée par les africains. Le verbe s’est fait chair et il habite depuis dix-neuf ans parmi nous.
Dopée par l’accroissement du marché domestique, l’exponentielle des middle-class, l’amélioration du climat des affaires ainsi que les dispositifs, stratégies et plans d’émergence ; la croissance du continent africain, à 5% en moyenne durant les « quinze glorieuses » (2000-2015) se positionne à 3.5% en 2018. Croissance aux belles résonnances, certes ! Croissance positive, certes, mais à la fois dispersée et fluctuante, tantôt concentrée (locale) suivant les régions du continent ; force est de briser le vernis et de se rendre à l’évidence. La croissance économique africaine est non inclusive et ne traduit pas la réalité de ce qui, dans la vraie vie, se cache dans le panier de la ménagère.
Au-delà de ce constat, il convient de préciser, à la lumière du Rapport de la Banque Africaine de Développement (BAD) sur les perspectives économiques en Afrique en 2019 ; qu’avec une population active en pleine croissance, « éviter le piège de l’informalité et le chômage chronique » reste un enjeu de taille alors que le secteur informel représente 70 à 90% des emplois sur le continent – compte non tenu du secteur agricole – et par ailleurs la « solution par défaut des jeunes » qui entreprennent. Sachant pardessus ceci que la corruption continue, à nos jours, de coûter au continent 25% de son PIB à l’année, il convient d’assérer qu’elle représente en Afrique une plaie béante face à laquelle les mesures de sensibilisation mises en place, au travers dispositifs étatiques de lutte contre la corruption, sont inefficaces. On est en effet « face à la situation du Baron de Münchhausen qui voulait se sortir de la boue en se tirant par les cheveux ». Les ivoiriens auraient donc tout à fait raison de dire – et ce serait un euphémisme que de l’affirmer – que « la croissance ne se mange pas », si l’on se rapporte à ces réalités manifestes.
Evoquer ces faiblesses sans toucher du doigt leur offense faite à la compétitivité des entreprises, des états et de la société civile africains serait impertinent au regard de la vélocité et de la robustesse d’une concurrence internationale vibrionnaire et radine, à l’assaut des marchés africains qui au final, restent peu lisibles, toutes choses étant égales par ailleurs. Changer de logiciel nous permettrait d’éviter d’exsanguiner notre économie et s’avère urgent au demeurant, dans le contexte actuel du continent.
Aptes à dire et donc à emporter les âmes et les convictions, les vrais experts africains ne manquent pas de souffle dès lors que sonne l’heure de faire entendre aux africains qu’une myriade de solutions existe sous la forme d’une Intelligence Economique propre à l’Afrique. Allaitée au sein du continent, l’IE africaine existe bel et bien et représente aujourd’hui une véritable pierre de rosette des marchés africains et sans doute, avec la veille, la protection des données et l’influence, une parfaite loi de Dalton adaptée à l’économie africaine.
Cœur de l’Afrique conquérante, il faut multiplier les initiatives visant à octroyer au plus grand nombre, à commencer par les professionnels de tous secteurs d’activités de manière générale, et à la jeunesse en particulier ; le meilleur état d’esprit et les meilleurs outils et techniques utiles à la pratique de l’IE africaine en territoire africain. Car l’IE africaine vise, dans sa déclinaison pratique, à renforcer la ductilité de l’économie africaine. Pour les africains, opter cela revient à en pénétrer les arcanes les plus profondes et subtiles. En d’autres termes, il s’agit d’opter pour l’Afrique, la vraie Afrique, laquelle nous a tant caressés ; et c’est indéniablement se restituer à la dignité des filles et fils de ce beau continent dont il nous appartient de densifier la compétitivité.
Cuirasse pour les acteurs qui la pratiquent, lisibilité donnée aux marchés africains, violence faite à la corruption et à tous les maux qui gangrènent l’Afrique, fortification aux activités entrepreneuriales, étatiques, territoriales ou civiles ; l’Intelligence Economique africaine est l’option gagnante pour les Africains. En plus d’être une évidence il s’agit d’une nécessité vitale. Et il y’a cette belle pensée du Marquis de Vauvenargues qui dans ses Réflexions et maximes écrivit : « La nécessité nous délivre de l’embarras du choix ». Alors aux opérateurs économiques, Etats et ONGs africains ou opérant avec l’Afrique, l’Intelligence Economique africaine est à portée de main. Saisissez-vous-en !
Beaugrain Doumongue