Enjeux de l’intelligence économique en Afrique

Dire que l’hypercompétition dont parlait Richard d’Aveni n’a jamais été aussi expressive sur les marchés africains, serait un euphémisme. Dire que l’Afrique a un besoin irrépressible de compétitivité le serait beaucoup plus.

Pour faire face à l’agressivité des marchés africains, il faut avant tout maîtriser les instruments et les démarches de collecte, d’analyse, de traitement et de diffusion sécurisée de l’information, ressort principal de la compétitivité. Ceci vaut à la fois pour les Etats, les entreprises, les territoires et les organisations civiles africains, qui au demeurant, sont les principaux acteurs de la compétition qui a cours au niveau mondial.

Les Etats pourraient ainsi faire de la maîtrise de l’information un mode de gouvernance ; identifier et exploiter les secteurs prioritaires pour la croissance et le développement de leurs économies, devenant ainsi des Etats stratèges. Quant aux entreprises, elles sont en tête de colonne des affrontements économiques. Assommées par la concurrence vorace d’innombrables opérateurs internationaux qui s’agitent, vibrionnaires et radins autour des potentialités africaines, leur besoin de lisibilité et d’assurance n’a d’égal que leur sensibilité à l’hostilité des marchés. Pour les collectivités territoriales africaines, l’Intelligence Economique (IE) représente un souffle de développement, d’attractivité et de compétitivité. Confondue à leurs différents leviers d’action, elle leur apporte l’élan d’un tremplin.
Par ailleurs, véritable caisse de résonnance à l’heure d’internet, la société civile en générale et les ONGs en particulier, joue aujourd’hui un rôle nouveau, d’une incidence considérable sur les rapports de forces économiques. Les Etats et les entreprises n’en sont pas épargnés, ce qui, de facto, redistribue les cartes des interactions Etats-entreprises-OSC. Au cœur de ces enjeux, se trouve l’information, élément d’influence et de contre-influence.

Le niveau de pénétration de l’Intelligence Economique Africaine (IEA) dans les organisations africaines est encore relativement faible et assez disparate suivant les régions, ce qui annihile la capacité des entités sus-évoquées à batailler à mains nues dans une atmosphère devenue extrêmement complexe et risquée. Elles se retrouvent ainsi dans des rapports déséquilibrés, des affrontements du faible au fort avec des adversaires mondiaux, fortement intéressés.

Obvier à cela implique un travail de sensibilisation massif, pour accentuer la démocratisation de la discipline en Afrique, au-delà des assises, rendez-vous d’experts, colloques et diverses rencontres ; et bien entendu, au-delà encore, des articles de blogs et site web spécialisés, des interviews et des émissions télévisuelles, qui restent les meilleurs sites d’observation de ces actions et de leur impact. Cela appelle certainement la nécessité pour les Etats africains de prendre le lead et de définir des politiques publiques d’IE, une culture de la compétitivité, ainsi qu’un cadre favorisant le bourgeonnement de cette force de mouvement.

Il se trouve toutefois que ces initiatives peinent à s’exprimer. De fait, la pratique de l’IE devrait prioritairement être menée par les entreprises, qu’elles soient petites, moyennes ou grandes, au regard des enjeux qui sont les leurs. Les grandes entreprises gagneraient à s’y intéresser pour au moins trois raisons, à savoir qu’elles surfent sur des terrains convoités par des géants internationaux en étant peu/mal outillées en termes de capacité de réponse ; qu’elles contribuent le plus aux recettes des Etats et surtout qu’elles sont les plus à-mêmes de se doter de dispositifs complets de veille et d’intelligence économique.

Les PME/PMI constituent pour leur part, l’essentiel du tissu économique des Etats Africains. Elles embauchent le plus et ont pour vocation à croître et à devenir de grandes entreprises/industries. Une intégration de l’IE dans la gestion et le fonctionnement de ces entreprises, leur mettrait le vent en poupe et il en va de même pour les territoires et la société civile.

Si l’objectif est d’être hautement compétitifs, nous n’y touchons pas encore. Face à ce tableau et, compte tenu de la lourdeur des actions à mener, on ne saurait trop faire preuve de lucidité que de reconnaitre que les rangs des africains sont à grossir car la faille c’est la masse et là, se trouve le point de décrochage. Entre la dénonciation d’une situation, somme toute, à parfaire, et l’indication de pistes pour y arriver, encore faut-il en désigner les moyens. En Afrique, il s’agit comme disait Philippe Bloch, de conjuguer au présent, mais aussi au futur, le souci des hommes et le souci des résultats ; en clair, il s’agit de se former.

Beaugrain Doumongue

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