L’essentiel des systèmes énergétiques africains rencontre des difficultés en termes d’accès à l’énergie, de sécurité énergétique, d’atténuation et d’adaptation au changement climatique. Il faut penser la transition énergétique sur le continent.
Aujourd’hui, la problématique énergétique en Afrique représente un goulot qui étrangle le développement continental aux plans économique et social, en touchant particulièrement les ménages à faible revenu. Les prix de l’énergie restent très élevés pour la majorité des personnes autant que l’accès universel reste un défi pressant et sans doute le premier objectif des Etats africains pour le secteur. La crise énergétique africaine freine le dynamisme économique du continent, réduit les possibilités de production de biens et services, ralentit la fourniture de services sociaux et bloque la création d’emplois.
Adopter les énergies renouvelables
Les fluctuations récurrentes des cours du pétrole déstabilisent continuellement l’économie africaine et les dynamiques visant à conduire une réelle transition énergétique sur le continent. L’énergie reste le moteur de l’économie et un besoin crucial pour l’émergence d’un continent dépendant à 75% des ressources fossiles. Alors que la moitié de la population africaine n’a pas accès à l’électricité et que la précarité énergétique gagne du terrain, des projets pharaoniques voient le jour, à l’instar de la centrale thermique (à charbon) de Sengwa au Zimbabwé, dont la sortie de terre, estimée à 3 milliards de dollars est rendue possible par l’appui financier de l’empire du milieu.
Il est de notoriété publique que le continent africain est peu émetteur de carbone, d’où l’importance de poursuivre l’électrification continentale en adoptant une dynamique vertueuse, stimulée par l’usage des énergies renouvelables, pour inscrire dans les faits le changement de paradigme qui s’impose au développement du continent. La floraison de projets qui sous-estiment ces impératifs représente un réel enjeu pour le continent, déjà en position de faiblesse, au regard de son extrême vulnérabilité aux changements climatiques. La démocratisation de l’accès à l’énergie devrait aller de pair avec celle les énergies renouvelables, dont l’abondance et l’abordabilité (notamment pour le solaire) en font des ressources hautement accessibles. Cela contribuerait fortement à costaudiser l’assise énergétique vitale à l’émergence des pays africains, sous réserve des équilibres à instaurer dans le mix énergétique, somme toute recommandé, pour trouver le juste milieu entre compromis et compromission. La chute progressive des coûts d’accès aux énergies renouvelables témoigne de l’aubaine qui s’offre aux Africains, pour à la fois renforcer leurs infrastructures, lutter contre les changements climatiques, se mettre à l’abri des variations brutales du prix du fioul, protéger les finances des sociétés de production et de distribution d’énergie ainsi que les finances publiques, tout en réaménageant les tarifs pour accentuer la course vers l’accès universel.
Relever les défis de l’énergie
Des pays comme le Maroc, assument un leadership ambitieux sur le développement des énergies renouvelables en Afrique. D’autres comme le Nigeria travaillent à la mise en place des dispositifs visant à emboîter le pas. Car si des possibilités existent sur ce continent particulièrement idéal pour le déploiement des énergies renouvelables, l’action reste une question de volonté politique. Après Dakar et Ouagadougou, Lomé a rejoint la liste des pays de la sous-région qui se sont dotés de centrales électriques solaires pour assurer une plus grande production d’énergie. Les autres pays ont également la possibilité de faire de même et d’aller plus loin en usant des technologies nouvelles pour la gestion énergétique.
En effet, l’enjeu principal du secteur énergétique en Afrique, outre la modernisation des infrastructures de production et de distribution, est sans doute celui de l’efficacité. L’efficacité énergétique est donc à promouvoir sur le continent en vue d’exploser les verrous de l’accès aux services énergétiques pour tous, compte tenu du taux de pauvreté élevé sur le continent, car à titre d’analyse comparée avec les autres régions, l’Afrique de l’Ouest abrite le plus grand nombre de pays où 30% de la population vit avec moins d’1.90 dollars par jour d’après l’ONG OXFAM.
Au-delà de cette question, les défis de l’efficacité énergétique consistent également à :
- assurer un approvisionnement en énergie fiable pour juguler la problématique des fréquentes coupures de courant et baisses de tension ;
- stimuler la croissance économique en vue de répondre au besoin continental de développement d’activités productives ;
- Consolider le développement social pour accentuer l’amélioration des services de santé, d’éducation et d’approvisionnement en eau ;
- améliorer le statut des femmes, lesquelles sont responsables de l’approvisionnement énergétique des foyers surtout en milieu rural ;
- protéger l’environnement et mieux gérer le changement climatique, afin d’optimiser la maîtrise des pertes sur la chaine de production et de distribution et d’intégrer un mix énergétique plus favorable aux énergies propres.
Promouvoir l’efficacité énergétique
Le bois représente l’énergie de première nécessité en Afrique, et compte pour 60% à 82% de l’énergie primaire utilisée, d’après Gérard Madon dans son ouvrage intitulé Le bois, énergie de première nécessité en Afrique. Et pour cause ! En Afrique subsaharienne, l’énergie domestique nécessaire pour la cuisson (le bois-énergie de cuisson est l’un des principaux contributeurs des émissions de gaz à effet de serre en Afrique), l’éclairage et le chauffage de l’eau est apportée à 80% par le bois, transformé ou non en charbon, et dans une moindre mesure par d’autres types de biomasse comme la bouse et les résidus de récolte, ainsi que l’annonce en 2016 l’Agence internationale de l’énergie. De fait, les potentiels d’amélioration gisent dans l’optimisation des moyens d’éclairage, l’usage d’équipements performants et la réduction de la climatisation, mais aussi l’amélioration des moyens de cuisson notamment pour réduire la dépendance au bois, qui coûte cher aux forêts mutilées.
Les mesures d’efficacité énergétique sont donc indispensables aux Etats africains, qui sont appelés à accentuer la création d’un mix énergétique intégrant les énergies renouvelables dans une logique d’équilibre centrée sur la fiabilité en termes de réponse aux besoins. Cela permettrait d’induire une plus grande participation des énergies renouvelables dans la maîtrise de la demande énergétique, de réduire les besoins en énergies fossiles et faciliter l’atteinte des objectifs étatiques, sachant que l’avantage offert par les systèmes décentralisés, permet d’arriver plus facilement à assurer une couverture générale. Si l’intensité énergétique (rapport entre énergie consommée et PIB généré) de l’Afrique de l’Ouest reste relativement élevée par rapport à celles des autres régions du continent, ce qui traduit l’inefficacité des systèmes ; on observe à contrario que dans le reste du monde la tendance est baissière. Le rapport sur la politique énergétique de la CEDEAO précise à cet effet que les pertes de réseau électrique de la CEDEAO varient de 15 à 40%, alors qu’un taux normal attendu serait de 7%, ce que signifie que plus de 10% de l’électricité produite s’évapore avant d’atteindre les utilisateurs finaux. Là se pose la nécessaire question de l’efficacité, mais également celle de la vétusté des infrastructures et des pertes non-techniques.
Les politiques énergétiques à implémenter en Afrique devront alors être édictées sur la base d’un impératif crucial : Parvenir à l’accès universel tout en assurant un service fiable et abordable avec une stratégie précise d’adaptation au changement climatique. Et elles devront représenter des exigences partagées, dans une logique plus large de transition énergétique. Il faut ainsi adapter le cadre législatif, trouver des mécanismes de financement adéquats, préparer et outiller les institutions et mettre en place des mécanismes efficaces de coordination pour asseoir une bonne gouvernance de l’efficacité énergétique dans les pays africains. Ceci permettrait d’éliminer les barrières réglementaires, institutionnelles et techniques pour poser un regard plus attentif sur les défis du terrain.
Puisse la transition énergétique nous être !
Dr Beaugrain Doumongue & Dr Larissa Affolabi
Beaugrain Doumongue est ingénieur du bâtiment et docteur en génie civil. Il se définit davantage comme un « socioingénieur » du fait de son engagement au profit du développement des bâtiments et villes durables en Afrique. Président de Construire pour demain, association de promotion des bâtiments et villes durables en Afrique, il est aussi cofondateur de Starksolutions, cabinet de conseil en intelligence territoriale et directeur du développement du Groupe scientifique SIGMA.
Larissa Affolabi est ingénieure des réseaux électriques avec un doctorat en génie électrique. Au sein du pôle recherche et développement de l’entreprise Open Access Technology International (OATI), basée aux Etats-Unis, elle travaille à apporter des solutions concrètes et efficaces aux problématiques des réseaux électriques dans un contexte de transition énergétique, d’électrification des usages et de modernisation du réseau. Elle est passionnée des problématiques du développement durable en général, notamment en lien avec les enjeux africains.